Le Songe du Vergier
une compilation juridico-littéraire du XIVe siècle au service du Pouvoir
PROPOS INTRODUCTIFS
Ainsi que le rappelle Bernard Schnerb dans son article “Charles V au miroir du Songe du Vergier ”(1), A. Coville dans l’introduction de son opuscule Évrart de Trémaugon et le Songe du Verger, paru en 1933, définissait ce texte comme “le plus important et le plus fameux des ouvrages de droit public écrits en France dans la seconde partie du Moyen Âge” ; ajoutant également que ce traité méritait également “une place dans notre histoire littéraire”(2).
Bien que cette œuvre ait connu un grand succès en France au XIVe et XVe siècle, le nom de l'auteur du Somnium Viridarii (1376) rédigé en latin, adapté, modifié et traduit par lui-même en français en 1378 sous le nom du Songe du Vergier n'a été définitivement assuré que ces dernières années. La recherche de la paternité de ces traités a donné lieu à de longs débats qui ont passionné les érudits en leur temps, certains y reconnaissant le travail de Raoul de Presles, ou de Philippe de Mézières (comme l’illustrent les deux articles de Paulin Paris reproduits dans ce volume), ou encore de Nicole Oresme pour ne mentionner que les propositions les plus connues. Si c’est Coville qui fut le premier à émettre l’hypothèse que l’auteur du Songe du Verger était Évrart de Trémaugon, c’est M. Schnerb-Lièvre qui reprit et approfondit cette théorie tout en proposant des éditions modernes de ces deux textes en 1982 et 1994(3) (cf. l’article : “Évrart de Trémaugon et le Songe du Vergier” reproduit dans ce volume).
Le Sominium Viridarii a été composé en latin sur l'ordre de Charles V. Il peut être considéré comme le brouillon du Songe du Vergier (beaucoup de chapitres ont été déplacés où supprimés : le Somnium en comportait 552, soit 84 de plus que le Songe du Vergier). L’intérêt du texte latin, inférieur à celui de la traduction, permet de comparer les deux textes et d’en étudier les différences. Cette œuvre permet, en outre, une approche plus affinée des sources.
Le Songe du Vergier, de son côté, se présente sous la forme longs dialogues ayant trait aux rapports de la puissance ecclésiastique et de la puissance séculière, et plus particulièrement sur les pouvoirs respectifs du pape et du roi de France à la fin du XIVe siècle. Il débute par un prologue adressé à Charles V, ou l'auteur raconte qu'il s'est endormi dans un verger et que lui sont apparus le roi, la puissance spirituelle, la puissance temporelle, puis un clerc et un chevalier choisi comme avocats par les deux puissances pour discuter des points litigieux entre elles. La discussion qui s’ensuit s'étend sur 468 chapitres répartis en deux livres. Il se termine par un épilogue ou l'auteur s'éveille et présente son œuvre roi. Nous observons qu’au cours du débat, des questions étrangères à cette querelle sont abordées comme les questions bretonne et anglaise, le retour de Pape à Rome, la succession des femmes, etc. ; autrement dit des sujets d’actualité intéressant particulièrement le roi Charles V. Afin d’offrir aux lecteurs un panorama de cet ouvrage, le choix a été fait de reproduire l’analyse du texte proposé par Léopold Marcel de Louviers parue en 1863.
L’œuvre latine copie, souvent mot pour mot, un grand nombre de textes sur la querelle des deux pouvoirs et la construction du Gallicanisme(4). C'est Karl Müller, qui, le premier, à la fin du XIXe siècle, démontra que l'ouvrage était en réalité une vaste compilation. Or, l’avantage d’un tel système et que le compilateur s'efface derrière les autorités qu'il met en avant, ce qui confère à son travail une neutralité persuasive que n'a pas un texte entièrement rédigé pour les besoins d'une cause. Même si la recherche des sources a bien avancée, toutes n’ont pas encore été identifiées (c’est l’un des nombreux apports de l’article de Lydwine Scordia réédité dans ce volume).
Enfin, comme le précisait également M. Schnerb-Lièvre , le texte français, plus original que le latin, présente une forme souvent élégante et recherchée. On y trouve un grand nombre de mots utilisés pour la première fois en français ou utilisé dans un sens nouveau. A notre connaissance, peu d’études philologiques se sont intéressées à cette question dans ce corpus.
Nous espérons que cette nouvelle livraison des Miscellanea Juslittera encourage de nouvelles vocations et contribue à mieux faire connaître un ouvrage fondateur du XIVe siècle, tombé dans un oubli relatif ces vingt dernières années.
SOMMAIRE
Premier mémoire des nouvelles recherches sur le véritable auteur du Songe du Vergier de Paulin Paris
Deuxième mémoire des nouvelles recherches sur le véritable auteur du Songe du Vergier de Paulin Paris
Evrart de Trémaugon et le Songe du Vergier de Marion Schnerb-Lievre
Analyse du Songe du Vergier de Léopold Marcel de Louviers
Les sources du chapitre sur l'impôt dans le Somnium Viridarii de Lydwine Scordia